Qui donc connaît les flux et reflux réciproques
de l'infiniment grand et de l'infiniment petit,
le retentissement des causes dans les précipices de l'être,
et les avalanches de la création ?
(Victor Hugo, Les Misérables)

lundi 30 novembre 2015

Plasticité et Sciences du Vivant à l'AEIS, billet N° 19


La réunion mensuelle de l'AEIS du 7 septembre 2015 a été consacré à la notion de plasticité, vue comme un concept majeur pour la caractérisation du Vivant. Ce à travers un exposé du professeur Dominique Lambert, de l'Académie Royale de Belgique, physicien et philosophe des sciences,  enseignant à l'Université de Namur.

Ayant été co-rédacteur, avec Alain Cardon, membre de l'AEIS, d'une synthèse des propos du professeur Lambert, j'en recopie le début dans ce billet N° 19 de mon blog personnel. Le lecteur pourra accéder à l'intégralité de cette synthèse sur le site de l'AEIS. 

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La plasticité comme thème central de la biologie théorique
Dominique Lambert
Université de Namur, Académie royale de Belgique

A.E.I.S, 7 septembre 2015
Transcription : Alain Cardon, Jean Pierre Treuil
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Liminaire
Nous nous sommes efforcé de traduire et de respecter au plus près l’exposé du Professeur Dominique Lambert. Mais, comme d’ailleurs les comptes rendus similaires, cette transcription n’engage que ses rédacteurs.

Le professeur Dominique Lambert propose un changement de perspective majeur dans l’approche des Sciences du Vivant. Le problème traité part d’une réflexion sur la notion d’efficacité des Mathématiques dans les sciences et, notamment, en Biologie. La première partie de l’exposé analyse différentes composantes de cette efficacité ; Dominique Lambert indique quelles sont celles en oeuvre dans les Sciences Physiques, et comment elles y assurent une efficacité parfois “déraisonnable”, selon l'expression du Prix Nobel américain Paul Wigner ; puis il s’interroge : ces mêmes composantes se prolongent-elles dans les autres sciences ? La seconde partie concerne spécifiquement le domaine de la Biologie. Dominique Lambert pense que l’objet actuel qui fonde cette science n’est pas le bon et qu’il est fortement réducteur. Il propose un concept - la notion de plasticité - qui permet d’aborder scientifiquement le vivant dans son évolution.

La notion d’efficacité des Mathématiques

L’usage des Mathématiques en sciences permet-il d’améliorer la compréhension des phénomènes, ou bien permet-il seulement d’en faire une description ? A quel(s) niveau(x) cet usage est-il efficace ? De telles questions renvoient à une réflexion épistémologique.

Une pluralité d’acceptions
Cette réflexion conduit notre conférencier à distinguer plusieurs niveaux d’efficacité :
  1. capacité à décrire un système, son état et son évolution. 
  2. capacité à prédire ou à “retro-dire” la dynamique d’un système
  3. capacité à expliquer cette dynamique
Cette distinction repose sur la constatation que l’on peut décrire sans pouvoir prédire (présence d’aléas ou chaos déterministe), que l’on peut aussi décrire ou prédire sans expliquer, et réciproquement. Mais pour faire cette constatation, il faut savoir ce qu’on entend par “expliquer”. Dominique Lambert nous en parle en ces termes : expliquer, c’est effectuer un “dévoilement des structures qui permet d’atteindre une compréhension profonde du phénomène”, acte rattaché à l’étymologie même du mot (en latin, littéralement déplier, déployer). Cet énoncé n’est pas tant, dans la bouche du conférencier, celui d’une prise de position épistémologique a priori, que celui du ressenti des physiciens opérant la “mathématisation du réel”. Ressenti que Dominique Lambert fait sien ; par exemple, lorsqu’il évoque la théorie des interactions fondamentales : dire que “L’univers possède, localement, une invariance de jauge, invariance à l’origine de l’existence des interactions physiques”, c’est bien affirmer quelque chose “sur la nature profonde de ces interactions”. Au delà de la simple prédiction des résultats numériques observés dans les détecteurs. Dominique Lambert note cependant que cette capacité d'expliquer attribuée à la Science - expliquer au sens profond ci dessus - a pu être contestée. Il mentionne à propos de ce débat les positions du physicien et chimiste français Pierre Duhem, mort en 1916. Pour ce dernier en effet "une théorie physique n'est pas une explication..." 

expliquer, engendrer
Mais l’efficacité des Mathématiques, ou plutôt l’efficacité des théories fondées sur les Mathématiques, ne s’arrète pas là. Une efficacité supérieure consiste en la capacité d’une théorie, et des concepts mathématiques associés, à “engendrer de nouvelles idées”. Dominique Lambert cite comme exemple illustre la Théorie de la Relativité Générale. L’efficacité de cette dernière réside, non seulement dans sa capacité à prédire le phénomène des lentilles gravitationnelles, ou la structure de la gravitation, mais aussi dans l’extraordinaire “foisonnement” d’extensions auxquelles elle a donné lieu, avec leur effet catalyseur, le développement d’idées “qui se sont révélées fécondes, souvent bien après”. Notre conférencier cite à ce propos Marie Antoinette Tonnelat et son livre "Les théories unitaires de l'électromagnétisme et de la gravitation" (Gauthiers Villars, 1965). 

engendrer, unifier.
Enfin, l’efficacité des Mathématiques réside dans la capacité à révéler la structure commune à l’oeuvre au sein de phénomènes ou d’objets considérés comme distincts. Autrement dit, c’est l’aptitude de certains concepts - les plus féconds - à représenter l’unité profonde qui se cache derrière des différences de surface. A cette idée d’unification, Dominique Lambert en rattache alors une autre, laquelle sous-tend la suite de son exposé et sur laquelle il reviendra plusieurs fois ; savoir, l’idée que les Mathématiques permettent de définir l’objet propre d’une discipline scientifique ; il dira plus loin aussi les objets de son domaine particulier, à travers le ou les concepts qui expriment la structure profonde partagée par ces objets, ou les reliant entre eux dans un cadre unifié. Et de citer le concept de symétrie et son utilisation en physique des particules.

la notion d’invariant
Dominique Lambert en arrive alors à définir plus précisément l’objet - ou l’ensemble des objets - d’une discipline comme ceux manifestant certaines propriétés de symétrie : c’est-à- dire un objet ou un ensemble d’objets restant invariants, lorsque soumis aux transformations appartenant à un groupe bien spécifié. Il invoque ainsi l’exemple des objets de la Géométrie Conforme, invariants dans les transformations du groupe conforme. Cette position permet à notre conférencier d’annoncer la thèse qu’il va esquisser à la fin de son exposé ; savoir que les transformations impliquées dans la notion de plasticité et les invariances associées pourraient servir à la définition de ce qu’est l’objet de la Biologie.
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mardi 13 octobre 2015

Physique Quantique à l'AEIS. Billet N° 18

Deux réunions mensuelles de l'AEIS, aux mois de mai et juin 2015, ont été consacrées à l'histoire de la Mécanique Quantique et ses interprétations. Ce à travers les exposés successifs de Franck Laloe (ENS, Laboratoire Kastler-Brossel) et de Jean Bricmont (Université catholique de Louvain, GPP). L'exposé de Franck Laloe avait pour titre "La mécanique quantique : développement historique et interprétations". Celui de Jean Bricmont : "Peut-on comprendre la mécanique quantique ?"

Ayant été co-rédacteur, avec Michel Gondran, membre de l'AEIS, des comptes-rendus de ces exposés, j'en recopie les introductions dans ce billet N° 18 de mon blog personnel. Le lecteur pourra accéder à l'intégralité de ces comptes-rendus sur le site de l'AEIS.

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L'exposé de Franck LALOE, 
Directeur de recherches émérite au Laboratoire Kastler Brossel de l'ENS


AEIS, 4 mai 2015
Transcription : Michel Gondran et Jean Pierre Treuil

La mécanique quantique est l'une des plus grandes réussites de toute l'histoire des sciences. Ses prédictions ont été vérifiées dans un très grand nombre de cas, avec parfois une précision fantastique de 10^(-12). Historiquement, la mécanique quantique s'est développée en plusieurs étapes distinctes, chacune d'entre elles impliquant des interprétations différentes, parfois opposées. Puis s'est dégagée une version dite standard, dans la ligne des travaux de von Neumann et de Dirac, qui généralement est celle présentée dans les ouvrages et enseignée. Mais de réelles difficultés conceptuelles subsistent. Nous sommes loin d'un consensus universel sur la meilleure façon d'interpréter la nature de la fonction d'onde, la mesure, etc... et leur relation (éventuelle) avec la "réalité physique". C'est pourquoi de nombreuses présentations et/ou interprétations de la mécanique quantique ont été proposées. L'exposé en décrira quelques unes : celle dite de Copenhague (Bohr) ; l'interprétation statistique (à laquelle on attache souvent le nom d'Einstein) ; également les trois interprétations non-standard les plus célèbres : dBB (de Broglie-Bohm), GRW/CLS (équation de Schrödinger stochastique), Everett (parfois dite "des mondes multiples").

L'exposé de Franck Laloë s'est déroulé en trois parties ; il a d'abord présenté un développement historique de la mécanique quantique, montrant comment les idées sont apparues ; puis il a soulevé les difficultés liées à la fonction d'onde ; enfin, il a développé quelques unes des principales interprétations. La principale question traitée : qu'est-ce donc vraiment que cette drôle de fonction d'onde ? Il propose quatre livres de référence sur le sujet :
  1. Max Jammer, The Conceptual Development of Quantum Mechanics, Mc Graw Hill(1966), second edition (1989) 
  2. Max Jammer, The Philosophy of Quantum Mechanics, Wiley (1974). 
  3. Olivier Darrigol, From c-numbers to q-numbers : The classical analogy in the history of quantum theory (Berkeley : University of California Press, 1992) 
  4. G. Bacchiagaluppi and A. Valentini, Quantum Theory at the Crossroads: Reconsidering the 1927 Solvay Conference, Cambridge University Press (2009).
Il faut ajouter à ces ouvrages le dernier livre de Franck Laloë : Comprenons nous vraiment la mécanique quantique ? EDP Sciences, CNRS Editions, 2011.

Les livres de Max Jammer ont joué un grand rôle pour notre conférencier sur la question des interprétations. Le livre de Bacchiagaluppi et Valentini est consacré presque entièrement au congrès Solvay de 1927, qui a été si essentiel dans l'histoire de la mécanique quantique. C'est la première traduction en anglais de la version française.

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L'exposé de Jean Bricmont

Université catholique  de Louvain, Belgique
AEIS, 1er Juin 2015
Transcription : Michel Gondran et Jean Pierre Treuil. 


Peut-on comprendre la Mécanique Quantique? Le titre est ambitieux. La réponse sera positive, mais jusqu'à un certain point. Et elle sera différente de la présentation habituelle. Jean Bricmont nous propose le plan suivant : 
  1. Dans un premier temps, une présentation très simple des deux principaux "mystères" de la mécanique quantique. Le premier mystère réside dans l'indétermination des mesures et l’existence des interférences. Il introduira les principes qui en rendent formellement compte (notions d’état et de superposition). Le second mystère est celui de la non localité et des inégalités de Bell. 
  2. Dans un second temps, une présentation de la théorie de de Broglie-Bohm et de la manière dont elle peut résoudre ces deux mystères.
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samedi 11 juillet 2015

Retour sur les systèmes quantiques à deux niveaux, suite. Billet N° 17

Le billet n°15 était consacré à la caractérisation d’un système quantique à deux niveaux, un “quantum bit “, ou qubit, en tant qu’objet isolé. Après en avoir rappelé quelques éléments, j’aborde ici les systèmes formés de deux qubits. Je commence par décrire l’espace des états de ces systèmes, puis les opérateurs agissant sur cet espace. Je traite ensuite de différents types de mesures. Les ouvrages sur lesquels je me suis appuyé sont encore :
  1. Roger Penrose, “A la découverte des lois de l’Univers”, editions Odile Jacob 2007, chapitres 22 (en particulier pages 535-540) et 29 (pages 760 et suivantes)
  2. Claude Cohen-Tannoudji, Bernard Diu, Franck Laloë, “Mécanique Quantique 1” Hermann Enseignement des Sciences 1977, Chapitre IV (pages 385-400)
Mon objectif, en rédigeant ces billets sur les quantum bits, est de m’approprier les connaissances nécessaires pour comprendre la seconde partie de l’article Deutsch/Marletto (cf billet n° 16) traitant de l’information quantique. C’est d’ailleurs pourquoi je fais brièvement référence à certaines notions développées dans cet article - états distincts, discernables, statistiquement discernables - pour y revenir prochainement.


dimanche 12 avril 2015

Sur D. Deutsch & Ch. Marletto," Constructor Theory of Information". Billet n° 16.

Lors de la séance de l'AEIS qui s'est tenue le 2 mars 2015, le conférencier invité avait, à la dernière minute, été empêché.

Gilles Cohen-Tannoudji avait alors bien voulu faire un exposé de son article sur les "Constantes universelles et limites du possible en physique", article présenté lors de la journée PIF 2014 "La science et l'impossible". 

Lors de la même séance, j'ai pu faire part de ma lecture de l'article de Deutsch/Marletto 2014 "Constructor Theory of Information". Cet exposé et la discussion qui a suivi m'a permis d'affiner ma compréhension de ce texte. J'ai pu ainsi rédiger une seconde version de cette lecture, en résolvant les hésitations apparues dans un premier temps sur la manière d'interpréter les formalismes introduits, et en intégrant deux autres publications de David Deutsch.

Mes lecteurs peuvent accéder à ces documents sur le site de l'AEIS (bulletin n° 193, page 19 pour l'article source de Gilles Cohen-Tannoudji, puis rubrique "compte-rendus conférences mensuelles" pour la présentation qu'il en a faite, la discussion qui a suivi et ma lecture de Deutsch/Marletto). Comme dans mes billets précédents, je donne ici l'introduction de ce dernier document. 

Unifier information classique et information quantique
Une lecture de l'approche de David Deutsch et Chiara Marletto
“Constructor Theory of Information”.

David Deutsch est un physicien britannique de l’université d’Oxford. Il est l’un des promoteurs de l’idée du calcul quantique (quantum computation). Il est par ailleurs l’un des partisans d’une des interprétations non classique de la physique quantique : celle des multivers (many words) d’Hugh Everett. A partir de ce background, il travaille sur des questions concernant les lois fondamentales de la nature ; dans ce cadre général, il formalise certaines de ses idées dans une “théorie des constructeurs” et dans les applications de cette dernière à la théorie de l’information, et plus spécifiquement à la théorie de l’information quantique. Mon attention a été attirée sur ces travaux à la suite de la journée “La science et l’impossible” (PIF 2014), notamment à la suite l’exposé de Gilles Cohen-Tannoudji sur les constantes fondamentales ; à cette occasion, l’un des articles (Deutsch/Marletto 2014) analysé ici a été cité. 

David Deutsch a publié sa “théorie des constructeurs” dans un article précédent publié en 2013 par la revue de philosophie des sciences, Synthese (Synthese (2013) 190:4331-4359). Dans cet article, il cherche à montrer que le but fondamental de la science est d’établir quels sont, dans notre monde, les changements (transformations), qui sont possibles et ceux qui sont impossibles, et d’expliquer pourquoi ; autrement dit, d’établir les changements que certains processus (causaux) peuvent faire advenir et ceux pour lesquels cette éventualité ne peut se produire, puis d’en dégager les raisons de principe. Il oppose cette conception - basée sur la recherche de ce qui est possible et de ce qui est impossible - à celle qui met l’accent sur la seule recherche de ce qui va arriver, tenant compte des conditions de départ et des lois du changement, une conception qu’il critique et qu’il qualifie de dominante (prevailing conception).

En 2014, il prolonge son analyse et publie avec Chiara Marletto, dans les proceedings de la Royal Society of London, un second article (Proc. R. Soc. A 471:201440540, 2015), intitulé Constructor Theory of Information. Dans cet article, les auteurs se donnent pour but d’élargir la théorie de l’information de Shannon pour y intégrer l’information quantique. Ils y présentent une théorie de l’information exprimée en termes de transformations possibles et impossibles, (entendons transformations physiques, i.e. de systèmes matériels). La notion d’information n’est pas regardée comme étant de nature purement mathématique ou logique : sa nature et ses propriétés résultent des lois de la physique et d’elles seules. A la fin de leur papier, Deutsch et Marletto précisent les spécificités de l’information quantique. La citation de leurs travaux par Gilles Cohen-Tannoudji était motivée par la réunion de ces deux composantes, savoir la dichotomie possible/impossible et la notion d’information en physique, composantes largement présentes dans l’exposé PIF 2014 mentionné.

Le présent billet est essentiellement une note de lecture de l’article Deutsch/Marletto. Je me suis fixé pour but d’en expliciter - pour pouvoir mieux en discuter - les concepts, les postulats et les développements importants. L’article est en effet relativement difficile et abstrait, il s’agissait d’abord pour moi d’en comprendre la cohérence. La note s’articule sur le plan général suivi par les auteurs, savoir en résumé :

  1. Rappel des notions à la base de leur “théorie des constructeurs”, utiles à leur théorie de l’information : attributs, états et tâches. 
  2. Définitions, dans les termes de la théorie des constructeurs, de ce que sont un calcul, une information, une mesure. 
  3. Enoncés, complétant ces définitions, d’un ensemble de postulats - ou de principes - nécessaires et naturels, fondant la notion d’observable et une théorie de l’information classique.
  4. Spécificités d’une “super-information” et de l’information quantique, vue comme un exemple de super-information
Lire la suite sur le site de l'AEIS, rubrique compte-rendus.

samedi 14 mars 2015

Retour sur les systèmes quantiques à deux niveaux. Billet n° 15

J’ai eu l’occasion, après avoir écouté l’une des conférences données lors de la journée “La Science et l’Impossible” (PIF 14ème Rencontre) organisée en novembre 2014 à la BNF, d’étudier l’article de David Deutsch et Chiara Marletto, intitulé “Constructor Theory of Information”. La compréhension de la lettre et de l’esprit de cet article est difficile pour qui n’est pas à l’aise avec la notion d'information et les diverses interprétations de la physique quantique. Ainsi  l’un des points évoqués dans l’article concerne-t-il la discussion autour de la question localité/non localité, question sur laquelle David Deutsch et l’un de ses collègues défendent des positions “non conventionnelles”.

Pour mieux rendre compte de l’article Deutsch/Marletto, il m’est de toute façon nécessaire de disposer d’un plus large arrière-plan théorique. J’ai choisi d’étudier de plus près certains objets quantiques basiques, à partir des systèmes à deux niveaux et plus spécifiquement à partir de la notion de quantum bit. Mes sources principales dans ce billet sont deux ouvrages, savoir : 

  1. Roger Penrose, “A la découverte des lois de l’Univers”, editions Odile Jacob 2007, chapitres 22 (en particulier pages 535-540) et 29 (pages 760 et suivantes) 
  2. Claude Cohen-Tannoudji, Bernard Diu, Franck Laloë, “Mécanique Quantique 1” Hermann Enseignement des Sciences 1977, Chapitre IV (pages 385-400)

Le présent billet est consacré au quantum bit en tant qu’objet isolé. Dans un prochain billet j’aborderai les couplages de plusieurs “qubits”. Que mes lecteurs éventuels ne se méprennent pas : ces billets ne sont pas des “cours”. Tout au plus des notes de cours. Il s’agit pour moi, en rédigeant et parfois en (me) reformulant certains calculs ou raisonnements, d’accéder à une compréhension plus incarnée des notions abordées.

La notion de “quantum bit” (Qubit)
Any quantum ‘two-state’ system such as the spin of an electron or the polarisation of a photon can in principle be used as the physical realisation of a qubit, the basic unit of quantum information. (in David Deutsch and Patrick Hayden, Information Flow in entangled Quantum Systems. Proceedings of the Royal Society of London. Series A, 2000)


mardi 3 mars 2015

Le Vide, de Galilée à l'Energie Noire. Billet n° 14

Le 2 février 2015, lors de  la séance mensuelle de l'A.E.I.S. le professeur Jean Zinn-Justin a donné une conférence sur le thème du Vide en Physique : De la nature du vide, de Galilée à l'Energie Noire. Comme dans mon précédent billet, je reporte ici le tout début du compte-rendu que Michel Gondran et moi même avons rédigé, et dont l'intégralité est accessible sur le site de notre académie, sous la rubrique "comptes-rendus conférences mensuelles".

L'histoire de la réflexion sur l'existence et la nature du vide et sur l'existence d'un éther sert de fil conducteur à Jean Zinn-Justin pour présenter les problèmes importants de la physique d'hier et d'aujourd'hui. Nous avons largement utilisé dans ce compte-rendu les textes de ses transparents.


Exposé du professeur Jean Zinn-Justin

La question du vide a toujours interrogé. L’univers est-il “plein de vide”, ou bien encore est il rempli d’une matière invisible ? Que devient l’espace, si on lui retire toutes choses ? Au cours des âges, de nombreux philosophes ont essayé de répondre à de telles questions. Et depuis le 17 ème siècle, l’étude de nombreux faits expérimentaux, et les théories élaborées pour en rendre compte, ont apporté de nouvelles manières d’aborder le problème ; ces nouvelles approches, curieusement peut être, permettent parfois de réinterpréter les anciennes réponses, sans les effacer totalement.

Après avoir évoqué le point de vue d’Aristote, le conférencier, Jean Zinn-Justin, retrace, étape par étape, du 17 ème siècle à nos jours, le chemin mouvementé parcouru. Il termine par l’exposé du point de vue actuel des physiciens sur la nature du Vide, successivement sous deux angles : celui de la physique quantique, avec la théorie quantique des champs et celui de la cosmologie, avec la Relativité générale.

Premières approches, jusqu’au 17ème siècle.
Le vide peut-il être ?

Nous avons tous une notion intuitive du vide, au sens d’absence d’objets matériels visibles : une pièce est vide. Cependant, nous savons que tout espace vide est encore rempli d’air, un des quatre éléments avec la terre, le feu et l’eau de la civilisation grecque. En fait, la notion de vide dépend de l’état de nos connaissances : le vide est l’absence de ce que nous savons pouvoir exister ; le vide, c'est ce qui reste lorsque l'on a tout enlevé.

Aristote, “horror vacui”
On attribue à Aristote (384 BC –322 BC), sans doute à tort, l’expression “ la nature a horreur du vide (horror vacui en latin) ”. Il a aussi affirmé que “ la notion de vide est vide “. Aux quatre éléments classiques, il a prudemment proposé d’en rajouter un cinquième, l’éther ou quintessence, la substance des choses immuables comme le ciel et les astres. L’affirmation prêtée à Aristote, la nature a horreur du vide, parce qu’elle semblait correspondre à une réalité empirique a ensuite été considérée comme une vérité absolue au Moyen äge et même jusqu’à la Renaissance. 

Galilée (1564-1642), l’un des premiers à l’époque moderne, imagine l’existence du vide dans son étude de la chute des corps. Dans son ouvrage Discorsi (1638), le personnage Salviati, considéré généralement comme le porte parole de Galilée, affirme ainsi que tous les corps tomberaient à la même vitesse dans le vide.

Descartes, le vide ne peut exister.
Descartes (1596-1650) rejette lui la théorie du vide, car il n'est pas possible que ce qui n'est rien ait de l'extension (1644), autrement dit se transforme en un autre élément : ainsi, selon lui, si un vase est vide d'eau, il est plein d'air, et s'il était vide de toute substance, ses parois se toucheraient. Descartes est donc amené à rejeter les théories de Galilée sur la chute des corps dans le vide, et écrit de ce dernier : tout ce qu'il dit de la vitesse des corps qui descendent dans le vide, etc.… est bâti sans fondement ; car il aurait dû auparavant déterminer ce qu’est la pesanteur ; et s'il en connaissait la vérité, il saurait qu'elle est nulle dans le vide. Excluant en effet toute action à distance, Descartes explique la pesanteur - et donc le mouvement des planètes - par l'action de tourbillons d’éther agissant sur les corps pesants

Mais la nature a t-elle vraiment horreur du vide ? lire la suite sur le site de l'A.E.I.S. 

samedi 31 janvier 2015

Organes bio-artificiels et maladies cardiovasculaires, billet N° 13

Le 5 janvier 2015, lors de la séance mensuelle de l'A.E.I.S, le docteur Juan-Carlos Chachques a donné une conférence sur le thème "Recherche et développement d'organes bio-artificiels pour le traitement des maladies cardio-vasculaires". Comme dans mon précédent billet, je reporte ici l'introduction du compte rendu détaillé que nous en avons rédigé, et dont l'intégralité est accessible sur le site de notre académie, sous la rubrique "comptes-rendus conférences mensuelles".

Exposé du docteur Juan Carlos Chachques

Le docteur Juan-Carlos Chachques est actuellement responsable d'un des programmes du Laboratoire de Recherches Biochirurgicales, installé dans les locaux du Centre de Recherche de l'Hôpital Européen Georges Pompidou. Ce laboratoire a été fondé en 2008 par le professeur Alain Carpentier, ancien chef du département de chirurgie cardio-vasculaire de l'Hôpital Broussais (et président de l'Académie des Sciences pour 2011 et 2012). Il prenait la suite du Laboratoire d'Etude Des Greffes et Prothèses cardiaques, également fondé par par Alain Carpentier et implanté initialement à l'Hôpital Broussais.

Juan-Carlos Chachques cite d'abord quelques noms et évènements de la chirurgie cardiaque depuis 40 ans ; en évoquant notamment Charles Dubost, l'un des pionniers de la chirurgie cardio-vasculaire (réalisation, en 1955, de la première intervention française "à coeur ouvert", utilisant un coeur-poumon artificiel) ; en soulignant le rôle du professeur Carpentier et de ses collègues, dans le développement d'une coopération exemplaire entre biologistes et chirurgiens, à travers la création des deux laboratoires précités.

Le conférencier développe ensuite son propos en trois étapes :

  1. Il replace d'abord le coeur et son fonctionnement cyclique dans l'ensemble des cycles vitaux. Dans la rédaction du compte rendu de cette étape, il nous a paru utile de rappeler - très brièvement - quelques données concernant les mécanismes du rythme cardiaque. Pour ce faire, nous sommes partis de la réponse du conférencier à une question posée dans la discussion et de divers documents puisés dans la littérature sur le sujet.
  2. Il présente ensuite rapidement la pathologie de l'insuffisance cardiaque : ses causes, ses signes cliniques et ses effets.
  3. Il détaille enfin les différentes thérapies disponibles, leurs principes, leurs indications, les déférentes variantes apparues successivement et les pistes de recherche en cours. Il termine cette partie très dense, en dressant un tableau des progrès dans le domaine du coeur artificiel et en présentant bien sûr le dispositif CARMAT actuellement en cours.
lire la suite sur le site de l'A.E.I.S. 

vendredi 2 janvier 2015

Ondes gravitationnelles à l'AEIS, billet N° 12

Deux réunions mensuelles récentes de l'AEIS ont été consacrées aux ondes gravitationnelles. Ce, à travers les exposés successifs de Luc Blanchet (IAP-GReCO) et de Patrice Hello (Orsay, Laboratoire de l'Accélérateur linéaire). 

Ayant été co-rédacteur (avec Michel Gondran) du compte rendu détaillé de l'exposé de Patrice Hello, j'en recopie l'introduction dans ce billet N° 12 de mon blog personnel. Le lecteur pourra accéder à l'intégralité du compte rendu - ainsi qu'aux diapositives de l'exposé  - sur le site de l'AEIS, sous la rubrique "Comptes rendus conférences mensuelles" nouvellement créée. 

Compte rendu de l'exposé de Patrice Hello
(Introduction)

L'exposé de Patrice Hello sur les ondes gravitationnelles fait suite et complète celui de Luc Blanchet, effectué le 6 octobre 2014 sur le même thème. 

L'exposé de Luc Blanchet a été pour une grande part consacré aux ondes gravitationnelles émises par les systèmes binaires d'objets compacts (étoiles à neutrons et trous noirs). Son propos était en particulier de présenter la relation ente les paramètres orbitaux de ces systèmes d'une part, la forme et les paramètres caractérisant l'onde produite d'autre part. Il s'est attaché, dans ce contexte des systèmes binaires compacts, à nous décrire les méthodes utilisées dans les calculs des caractéristiques des signaux gravitationnels, ceci à chaque étape du processus conduisant ces systèmes à la "coalescence", c.a.d. à la fusion finale.

Le propos de Patrice Hello est centré sur le détecteur européen VIRGO, sa version "avancée" (Advanced Virgo), secondairement sur ses concurrents américains, japonais et indiens. Le conférencier s'est attaché à la technique à l'oeuvre dans VIRGO et aux facteurs en affectant la sensibilité. Il a précisé les différents enseignements que l'on pouvait tirer de l'absence de détection, avec la sensibilité déjà atteinte pour les différentes catégories d'émissions gravitationnelles. Il a décrit la longue bataille menée par les astrophysiciens pour élever les seuils de détection aux niveaux estimés nécessaires, pour chacune de ses catégories. 

Son exposé se structure en six volets d’importance inégale :

Un premier volet (diapositives 3 à 12) présente ce que sont les ondes gravitationnelles : leur nature, les équations qui en contrôlent la dynamique, leurs effets sur la matière, les conditions de leur production.

Un second volet (diapositives 13 à 17) rappelle rapidement la variété des sources astrophysiques émettrices et, pour certaines d’entre elles, la forme et les caractéristiques quantitatives de leurs signaux gravitationnels.

Un troisième volet (diapositives 18 à 28) se consacre aux techniques mises en oeuvre dans le projet VIRGO : le principe et le schéma du dispositif de détection par interférométrie ; la relation théorique entre le déphasage observé dans le dispositif et l’amplitude de l’onde ; les différents bruits affectant la précision de la mesure et leurs déterminants ; la longue lutte pour atténuer ces bruits et parvenir à la courbe de sensibilité / fréquence effectivement atteinte à l’heure actuelle.

Un quatrième volet (diapositives 29 à 35) replace le projet VIRGO dans le réseau des collaborations mondiales autour des ondes gravitationnelles. Dans cet ensemble, la coopération entre VIRGO et son partenaire/concurrent américain LIGO est particulièrement étroite. Cette coopération constitue une force de frappe formée de trois détecteurs distants les uns des autres, avec des performances comparables, assurant  un repérage directionnel des sources émettrices. 

Un cinquième volet (diapositives 36 à 42) présente une sélection de résultats actuels de la coopération LIGO/VIRGO. En effet, au vu de la sensibilité déjà atteinte, l’absence de détection est porteuse d’informations sur les évènements ou phénomènes continus associés à la production d’ondes gravitationnelles : informations sur les limites supérieures de la fréquence de ces évènements,  informations sur les probabilités de présence ou sur l’intensité de ces phénomènes continus. Ce volet traite également de l’apport que constitue le rapprochement des informations portées par les signaux gravitationnels et celles portées par d’autres “messagers” (ondes électromagnétiques, flux de neutrinos …)

Un dernier volet enfin évoque le futur proche, avec les augmentations de sensibilités prévues à court terme (Advanced VIRGO et Advanced LIGO) : gain d’un facteur 10, ce qui laisse espérer un gain d’un facteur 1000 sur le nombre d’évènements détectables sur une période déterminée ; également,  le futur plus lointain avec les détecteurs de troisième génération et la mise en oeuvre de techniques spécifiques, pour réduire au maximum les  différents types de bruits affectant la sensibilité.
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Suite sur le site de l'AEIS.